Nous reproduisons ici en raison de son intérêt et de son caractère approfondi un document utilisé lors d’un stage organisé par la délégation de l’Yonne en 2011 et rédigé par elle en coopération avec N. Leescq. Nous la remercions de nous l’avoir communiqué. |
1 - Généralités
L'Ecole d'Avignon définit ainsi un enduit :
"Revêtement composé d'une ou plusieurs couches d'un matériau plastique, destiné à assurer la protection (eau, isolation,...) et la présentation de l'ouvrage qu'il recouvre" - inTechniques et pratique de la chaux, Ecole d'Avignon, Ed. Eyrolles.
Cette définition indique bien les deux fonctions d'un enduit.
1 - protéger la maçonnerie :
Jusqu'au début du XX° siècle, le bâti prévalant dans les campagnes est un bâti sans fondation, posé directement sur le sol. Ces maisons "travaillent" en s'enfonçant et se déformant en fonction de la consistance du sol sur lequel elles reposent. Le poids que les maisons exercent sur le sol déclenche un talutage (tassement du sous-sol en forme de pyramide renversée sous leur base), soubassement dont la contrepression tend avec le temps à équilibrer la pression de la maison.
Cette forme de construction fait peser 2 contraintes sur les techniques de maçonnerie. Elles doivent en premier lieu gérer l'humidité présente dans le sol. Elles doivent en second lieu gérer le mouvement. Ceci implique de choisir des liants pour les enduits qui soient à la fois souples et perspirants.
La chaux a les qualités qui répondent à ces deux contraintes. Elle a une bonne résistance à l'étirement ce qui évite les fissures dans les murs lors des mouvements de la maison et ainsi les entrées d'eau. Par ailleurs, la chaux est perspirante : elle bloque les entrées d'eau mais laisse passer la vapeur d'eau, ce qui assure une gestion de l'humidité respectueuse de la maçonnerie.
2 - mettre en valeur le bâti :
L'enduit a par ailleurs une fonction esthétique : mettre en valeur le bâtiment en faisant ressortir ses masses, ses ouvertures et ses modénatures. Les enduits à la chaux, par les couleurs variées qu'ils peuvent prendre en fonction des sables et des adjuvants qui servent à les confectionner, remplissent parfaitement cette fonction.
2 - Les composants des enduits à la chaux :
Les enduits à la chaux comprennent trois composants :
- le liant : la chaux
- les charges : agrégats minéraux et organiques
- les adjuvants
2-1- la chaux :
- Historique de l'usage de la chaux dans le bâtiment :
Le principe qui consiste à calciner une pierre pour en extraire un composant meuble que l'on pourra reconstituer ensuite a été d'abord découvert avec le gypse qui demande moins de chaleur (150 °C) pour donner du plâtre. Mais des mélanges plâtre et chaux sont observés comme support de peinture murale en Egypte dès 2600 ans avant J.-C.
Les Romains sont d'habiles et intenses utilisateurs de chaux, que l'on trouve dans toutes leurs constructions, des habitations aux aqueducs en passant par les thermes. Ils mettent au point des formes de chaux hydraulique en ajoutant à la chaux aérienne des tuiles ou des briques concassées (ciment "romaine).
Jusqu'à la fin des années 1940, la chaux constitue 90% des liants utilisés dans le bâti. Puis le ciment, découvert au milieu du XIX° siècle, se substitue quasi complètement à la chaux. Sa résistance à la compression supérieure, son coût moindre, sa facilité d'emploi permettent des constructions plus rapides, plus hautes et plus économiques. A la fin du XX° siècle, la chaux représente à peine 5% des liants utilisés dans la construction
La chaux connait aujourd'hui un regain d'intérêt car on prend conscience que le ciment est incompatible avec les maçonneries anciennes. Trop rigide et imperméable à l'air, le ciment n'apporte ni la souplesse ni la perméabilité à la vapeur d'eau qui sont indispensables à ces maçonneries. Avec un mortier au ciment, un mur de moellons conserve l'eau qu'il absorbe, ce qui entraîne l'apparition de divers désordres (salpêtre, mousses, auréoles etc).
- Le cycle chimique de la chaux aérienne : du calcaire au calcaire
La formule ci-dessous en donne une représentation synthétique :
CaCO3 --------> CaO (chaux vive) ---------> Ca(OH)2 -----------> CaCO3
Cuisson Extinction Carbonatation
1° étape : la cuisson : La première étape consiste à calciner une roche calcaire. A une température voisine de 900 °C, le carbonate de calcium qui la constitue se décompose en oxyde de calcium (chaux vive) et dyoxide de carbone selon l’équation chimique ci-dessous :
CaCO3 = CaO + CO2
Pour 100 grammes de roche au départ dans le four, on obtient seulement 56 grammes de chaux vive à l’issu de la calcination, soit 56% de la masse de roche au départ. En d’autres termes, la perte en masse au cours de la calcination est de 44% à cause du dégagement de dioxyde de carbone dans l’atmosphère.
2° étape : l'extinction : la chaux vive n’est pas utilisable directement pour confectionner un mortier. C’est une matière fort avide d’eau dont l’hydratation entraîne une augmentation de volume et un fort dégagement de chaleur. Il faut donc "l'éteindre" en ajoutant la quantité d’eau nécessaire. Cette opération est aujourd'hui réalisée industriellement, sauf rares exceptions. L’extinction peut être modélisée par cette équation chimique :
CaO + H2O = Ca(OH)2
3° étape : la carbonatation : la carbonatation est la dernière étape des transformations liées à la chaux. Elle intervient lorsque le mortier a été mis en œuvre et que la chaux est exposée au contact de l’air. C'est une étape lente dont le bon déroulement déterminera la durée de vie d’un enduit. On peut modéliser cette dernière étape par l’équation chimique suivante :
Ca(OH)2 + CO2 = CaCO3 + H2O
"La beauté" de la chaux : " Au fil des jours la prise intervient lorsque le dioxyde de carbone CO2 présent en faible quantité dans l’air se recombine à l’hydroxyde de calcium Ca(OH)2 pour redonner du carbonate de calcium CaCO3.
Outre les avantages de la chaux que l’on connaît pour le bâti ancien, il est bon de remarquer qu’elle a un bien meilleur bilan énergétique que le ciment.
Premièrement la température de cuisson est de 900 à 1000°C contre 1450 °C (température à laquelle se produit le phénomène de Clinkerisation) et deuxièmement, l’énorme quantité de dioxyde de carbone qui s’est dégagée pendant la calcination est à terme, captée à nouveau par l’enduit faisant prise…Voilà un argument de plus pour tout ceux qui militent pour le réemploi de la chaux." (Thomas Schuler, La chimie des chaux aériennes, MPF, Délégation de la Moselle, mars 2011, ronéo).
- le cycle chimique de la chaux hydraulique naturelle : prise hydraulique et aérienne
Le processus est similaire à celui de la chaux aérienne, sauf que la roche calcaire de départ contient, en plus du carbonate de calcium, de 10 à 20% d’argile et d'autres composés (silice -SiO2-, alumine -Al2O3-, oxydes de fer -Fe2O3-).
Conséquences au moment de la cuisson : la température doit atteindre 1200°. Elle donne une partie de chaux vive dite "chaux libre" et plusieurs nouveaux produits : silicates, aluminates et ferro-aluminates. La présence de ces composés dans la chaux obtenue va lui donner son caractère hydraulique (début de prise au contact de l’eau).
Conséquence sur l'extinction : elle doit se faire avec la quantité d’eau juste nécessaire à la transformation de la chaux libre CaO en chaux éteinte Ca(OH)2. Tout excédent d’eau entraînera en début de prise préjudiciable.
Conséquence sur la carbonatation : une première prise se fera en quelques heures, tandis que la seconde prise « aérienne » qui intervient avec la chaux libre se fera dans les jours et les semaines suivantes. La vitesse de carbonatation secondaire dans l'épaisseur est d'environ 1 cm par an (identique à celle de la chaux aérienne).
Le rapport des différents composants associés à l'argile et la part de chaux éteinte définit l'indice d'hydraulicité donné par un chiffre indiquant la résistance à la compression. Les mesures de résistance sont faites après que le mortier ait fait prise, le temps d’attente pour la mesure normalisée est de 28 jours.
Indice d'hydraulicité de la chaux
Type de chaux |
pourcentage de chaux libre |
pourcentage d'argile |
indice d'hydraulicité |
Temps de prise en jours |
Résistance à la compression à 28 jours (kg/cm²) |
CL |
50 - 75 |
~0 |
0 - 0,1 |
> 30 |
* |
NHL 2 |
50 |
5 - 8 |
0,1 - 0,16 |
10 - 25 |
20 – 40 |
NHL 3,5 |
|
8 - 14 |
0,16 - 0,3 |
10 - 15 |
35 – 100 |
NHL 5 |
15 |
14 – 20 |
0,3 - 0,4 |
2 - 4 |
50 – 150 |
Chaux éminemment hydraulique, clinker |
|
20 – 30 |
0,4 - 0,5 |
<2 |
>150 |
* la mesure n'a pas de sens, l'enduit n'ayant pas fini de carbonater
Source : Thomas Schuler, La chimie des chaux hydrauliques naturelles, MPF, Délégation de la Moselle, mars 2011, ronéo.
- Le ciment :
Pour fabriquer du ciment, on ajoute de l'argile dans des proportions contrôlées puis on fusionne les divers éléments présents dans le calcaire (silice, aluminium, fer) par une cuisson à 1400 - 1450 ° . On produit ainsi un clinker (ou ciment). Celui-ci est très dur et doit être broyé pour être employé comme liant. Il durcit alors en 28 jours quelles que soient la température et l'humidité ambiantes. Le ciment est très rigide mais peu élastique.
- Les deux présentations de la chaux :
La présentation la plus fréquente de la chaux aérienne et hydraulique se fait sous forme de poudre.
Pour la chaux aérienne, on peut préférer la chaux en pâte si celle-ci provient directement de l'extinction de la chaux vive. Pour faire de la chaux en pâte, il faut éteindre la chaux vive avec une plus grande quantité d’eau. Au bout de quelques heures, quand l’extinction est complète et le gonflement de la chaux terminé, l'excès d'eau aboutit à une pâte qui peut se conserver tant qu’elle est à l’abri de l’air.
Les avantages de la chaux en pâte sont :
- Une meilleure carbonatation par la suite, une fois l’enduit confectionné.
- Pas de carbonatation précoce de la chaux quand celle-ci est stockée dans son sac.
- L’enduit est moins soumis au problème de dessiccation trop rapide pouvant entrainer des fissures. Il est encore plus souple à travailler.
- Le chantier est plus propre.
- Le liquide surnageant qui protégeait la pâte peut être utilisé pour faire des badigeons.
- les normes européennes de désignation des chaux aériennes et hydrauliques :
La norme de 2001 (NF EN 459) est obligatoire depuis le 1° août 2003 comme le marquage sur le sac.
Pour les chaux aériennes : CL-90-Q ou CL-90-S
- CL = Calcic Lime
- 90 = teneur en oxyde de calcium d'au moins 90% (avec au maximum 5% d'oxyde de magnésium MgO pour une chaux calcique)
- Q = Quicktime (chaux vive)
- S = Slaked LIme (chaux éteinte)
- on trouve aussi les chaux dolomitiques : DL (Dolomitic Lime) : contiennent au moins 85% d'oxyde de magnésium - distribuées sous la marque Batidol
Pour les chaux hydrauliques : NHL 2 ou 3,5 ou 5
- NHL = chaux hydraulique naturelle, produite à partir d'un calcaire contenant naturellement argile ou silice sans ajout
- chiffres 2, 3,5 ou 5 = annoncent une résistance à la compression (voir tableau) - pour le bâti ancien, éviter les NHL 5 trop rigides
Les chaux hydrauliques à éviter :
- NHL Z = chaux hydrauliques adjuvantées avec du ciment et donc rigides et imperméables comme les ciments. La NHL Z 3,5 normalisée a la même résistance que la NHL 3,5.
- Attention à l'appellation "chaux blanche" qui peut être, selon les fabricants, de la CL90, de la NHL 3,5 et de la NHL Z 3,5
Les fausses chaux : dites HL (Hydrolic Lime) qui ne sont pas à classer comme « chaux hydrauliques naturelles » car elles sont produites à partir d’un mélange de constituants appropriés + colorants et non d’une roche calcaire ayant naturellement une composition menant à une chaux hydraulique.
- La chaux artificielle ou ciment à maçonner = un ciment adjuvanté par moitié de poussière. Les poussières sont d'un prix modique, voire nul, et rendent plus "gras" l'enduit ciment en améliorant ses qualités physiques.
- les marques et usines de chaux :
Chaux (CL 90) : Chaux d'Ebreuil, Chaux Pozzo Nuovo, Décorchaux Astier, Arbessens
Les marques : SOCLI (dans l'Ouest de la France), Calcia (en Italie), CESA (Chaux et Enduits de St Astier), Tradical (BCB)
- Quelle chaux pour quels usages ?
NHL (hydraulique) : résistance, maçonnerie à cœur, injection, enduits
CL (aérienne) : finesse, blancheur, enduits, bétons de chanvre, badigeons
2-2- Les charges minérales (sables) et organiques :
- Les charges minérales courantes proviennent de la décomposition de la roche mère. Elles sont désignées en fonction de leur taille (capacité à passer dans un tamis à maille carrée) :
- caillou entre 20 et 2 cm
- gravier entre 2 cm et 2 mm
- sable gros entre 2 et 0,2 mm
- sable fin entre 0,2 et 0,02 mm
- limon (siltes) entre 0,02 et 0,002 mm
Il existe d'autres charges minérales plus particulières ou d'origine industrielle :
- pouzzolanes (roche volcanique naturellement expansée)
- marbre
- billes d'argile expansées
- billes de verre expansées
- déchets de briques cuites
Les charges minérales expansées sont utilisées en isolation (billes d'argiles, billes de verre) ou en charges de mortier respirant (sable de pouzzolane). Les déchets de briques cuites servent à confectionner des mortiers réfractaires (ciment romain).
- Hétérogénéité des sables : la chaux est constituée de particules très fines (2 µ) ce qui explique qu'elle puisse servir de base à des peintures. Elle se combine parfaitement avec l'argile et la liaison argile / chaux est très utile. Ce n'est pas le cas du ciment qui implique des sables parfaitement purs. De ce fait, les sables actuellement disponibles dans le commerce sont
- lavés afin que tous les résidus d'argile soient ôtés,
- triés afin d'être très homogènes.
Ils ne conviennent pas à la chaux qui appelle des sables argileux (qui élèvent l'hydraulicité du mortier) et hétérogènes (qui augmentent la dureté du mortier). Pour confectionner un mortier de chaux, il est préférable de mélanger le sable acheté dans le commerce avec du sable local. On obtiendra ainsi un mélange composé de particules régulièrement hétérogènes (des plus fines aux plus grosses) et non un sable composé de grosses particules et de très fines particules sans particules intermédiaires comme le sont les sables 0,2 du commerce. On pourra aussi utilement mélanger ce sable avec des colorants minéraux qui amélioreront son hétérogénéité.
- les 2 sortes de sable :
Les sables de rivières (naturels) sont sédimentaires et extraits des lits des rivières et fleuves. Ce sont les meilleurs car les grains ont été polis naturellement par le courant. Leur forme régulière et ronde facilite l'assemblage et l'enchevêtrement avec la chaux en laissant peu de vide entre les grains.
Les sables de carrière sont broyés et concassés à la machine. Leur forma anguleuse et irrégulière rend plus difficile le serrage du mortier à cause des vides d'air entre chaque grain. L'enduit est moins onctueux, plastique et les risques de fissurage sont plus grands.
- Mesure des vides : un sable mouillé est moins volumineux qu'un sable sec car il a moins d'air entre ses grains. Il faut donc mouiller le sable pour mesurer exactement son volume. Dans l'opération, il perd selon son degré de sécheresse entre 2 et 10% de son volume. Cette propriété physique s'appelle le foisonnement du sable.
Comment procéder : remplir de sable la mesure utilisée (par exemple un seau de 10l). Y ajouter doucement de l'eau tant que de l'air s'échappe du sable. Le sable se tasse. Une fois bien mouillé, on pourra mesurer son volume.
- Mesure des impuretés : ce sont les impuretés contenues dans le sable. Quand il s'agit d'argile, on parle de "fines". Ces impuretés retardent la prise du mortier et peuvent provoquer des moisissures ou des phénomènes de faïençage. En théorie le taux de fines ne doit pas dépasser 20% mais il vaut mieux réaliser des échantillons pour observer s’ils faiencent (trop de fines ou de liant) ou s’effritent (trop de sable)
- Mortier et béton : selon la grosseur des charges, on parlera de :
* mortier (agrégats de petites particules) : un mortier est un mélange de sable + liants
* ou de béton (agrégats de plus grosse taille) : un béton est un mélange de charges de taille plus importantes (sable + gravier) + liants.
Les charges organiques :
- Les pailles (lin)
- Le chanvre (chénevote)
- La sciure
- Les copeaux
Les charges organiques sont utilisées soit pour alléger les mortiers ou béton, afin de les rendre plus isolants, soit pour les lier et éviter les fissures de retrait au séchage. Il est déconseillé de les utiliser en extérieur à cause de leur caractère biodégradable. Attention à l'utilisation du chanvre en dalle de sol en milieu humide car le chanvre ne supporte pas l'humidité.
2-3- Les adjuvants
- Définition : Produit ajouté au mortier en faible quantité pour améliorer certaines propriétés. On distingue les adjuvants modifiant les caractéristiques de mise en oeuvre et ceux intervenant sur les propriétés des mortiers ayant fait leur prise (amélioration des performances) - Techniques et pratique de la chaux, Ecole d'Avignon, Ed. Eyrolles.
Les deux adjuvants les plus couramment utilisés sont :
- les agents mouillants : l'eau ne mouille pas (ou mal). Elle coule sur les particules de sable et ne permet pas un bon enrobage de celles-ci par le liant (la chaux). Il faut donc lui incorporer un agent mouillant : Teepol ou savon liquide de cuisine le plus basique possible dans la proportion d'un bouchon pour 10 l. d'eau.
- les rétenteurs d'eau : pour que l'eau contenue dans le mortier s'évapore moins vite ou soit trop rapidement absorbée par les murs. Cet ajout limite le risque de fissures (trop d'eau) ou de pulvérulence (manque d'eau). Rétenteurs d'eau : colle à papier peint (méthyl cellulose) ou colles de peau (sous forme de poudre le plus souvent).
3 - Le matériel :
3-1- Bétonnière, malaxeuse, pelle, seau, bac à gâcher, auge :
La préparation du mortier se fait avec un malaxeur horizontal, par une bétonnière à vitesse lente, ou à la main dans un bac à gâcher. Prendre garde à ne pas faire entrer trop d’air dans le mélange pour éviter au maximum un début de prise aérienne avant l’application.
3-2- Truelle, platoir, taloche, éponge, brosses :
Préférer les truelles en acier inox car elles sont plus solides et glissent mieux. La taille optimum varie selon l'utilisation :
- pour la pose de l'enduit, les prendre grandes pour limiter le nombre de projections du mortier;
- pour le lissage, les prendre plus petites pour faire un lissage plus régulier
Le platoir : large règle en métal avec un manche qui sert à appliquer l'enduit de finition sur les murs
Les taloches : inventées au XVII° siècle. La taille varie selon l'utilisation :
- pour recevoir l'enduit à projeter, les choisir grandes car cela limite le nombre de fois où l'on doit se baisser pour prendre l'enduit dans l'auge ;
- pour talocher, les choisir plus petites car cela fait un travail plus régulier et mieux réparti.
De même préférer les taloches en plastique car elles se déforment et s'usent moins que celles en bois.
Les éponges : pour les finitions, elles assurent un vieillissement plus léger et décoratif que les brosses
3-3- Brouette et seaux pour le transport de l'enduit sur le chantier.
3-4- Lunettes et gants pour se protéger contre les projections de chaux - en fin de journée, il est recommandé de se rincer les mains et les parties du corps ayant été au contact de la chaux avec du vinaigre qui atténue les effets de la chaux basique
4 - La préparation des enduits chaux :
4-1- le support :
Les murs doivent être préparés afin d'assurer une accroche correcte du mortier. Cela suppose diverses opérations :
- piochage du vieil enduit, nettoyage de toutes les salissures organiques (moisissures, poussières), pour que la surface à enduire soit la plus lisse et propre possible ;
- humidification du mur avant de poser l'enduit pour qu'il n'absorbe pas toute l'eau du mortier et empêche ainsi la carbonatation. Commencer l'humidification 3 jours avant la pose de l'enduit en répétant chaque jour. L'humidification dépend des matériaux du support :
- murs en terre : humidification légère,
- murs en pierre dure : pas besoin d'humidification,
- mur en bois : fixer un grillage fin pour faciliter l'accroche,
- mur en briques, pierres tendres, et parpaings : à humidifier
- protection contre les effets du climat (soleil, gel et vent) : la température ne doit pas descendre en dessous de 5° C ni monter au dessus de 30° C. Ne pas commencer un enduit pendant les mois d'hiver ni les mois d'été trop chauds –
- protéger le mur enduit par des bâches –
- attendre le séchage de chaque couche avant de passer à la suivante
- humidification entre les couches : bien humidifier son mur entre chaque couche, surtout en cas de vent ou de grosses températures et garder à proximité une balayette ou un humidificateur si le support « boit » trop vite lors de l’application. Au besoin, « suivre » son enduit sur plusieurs jours en l’humidifiant.
4-2- les différentes couches de l'enduit :
Suivant les sables et la chaux utilisés, les dosages peuvent varier quelque peu. D’où l’utilité de faire un dosage préalable.
Exemple de dosage pour un mortier à 250 kg/m3 :
- CL (densité 0,5) : 5 seaux de CL pour 10 de sable
- NHL (densité 0,8) : 3,1 seaux de NHL pour 10 de sable
- la première couche ou gobetis (dosage 2+1):
Il s’agit de « salir » le mur afin d’assurer l'adhérence de l'enduit sur les murs - 5 à 8 mm d'épaisseur (2x la grosseur du grain de sable)- liquide comme une soupe épaisse, se projette à la truelle (en revers de préférence) en commençant par le bas du mur - dosage : 2vol. de sable (de 4 à 10 mm) pour 1 vol de chaux - peut être évité sur les murs qui ont une bonne accroche.
Exemple de dosage à 400 kg/m3 :
- 8 seaux de CL pour 10 de sable
- 5 seaux de NHL pour 10 de sable
- Renformis : parfois nécessaire pour reboucher les gros trous ou les jopints trop creusés ; il se fait avec le même dosage que le gobetis mais moins liquide, ressemblant à un corps d’enduit
- la 2° couche ou corps d'enduit (dosage 2,5 + 1):
Pour isoler, imperméabiliser et planifier le support – jeté à la truelle sur une épaisseur minimum de 1 à 1,5cm - dosage : 2,5 vol. de sable (4 à 6 mm) pour 1 vol. de chaux. Le corps d’enduit sert à atténuer creux et bosses. En cas de grosses irrégularités du mur il faut travailler en plusieurs couches successives de 1 cm et non en un seul passage. Les derniers trous seront rebouchés avant la finition. Le gobetis et le corps d’enduit ne doivent jamais être talochés, serrés à la truelle ou lissés car cela empêcherait une bonne accroche de la couche de finition.
Exemple de dosage de corps d’enduit à 320 kg/m3 :
- 6,5 seaux de CL pour 10 de sable
- 4 seaux de NHL pour 10 de sable
- la 3° couche ou finition ( dosage 3+1) :
moins épaisse (5 à 8 mm) et plus compacte - dosage : 3 vol. de sable (1 à 2 mm) pour 1 vol de chaux . Pour serrer l'enduit : laisser tirer puis serrer par des mouvements rotatifs à la taloche ou la truelle.
Exemple de dosage à 240 kg/m3 :
- 3,5 seaux de CL pour 10 de sable
- 3 seaux de NHL pour 10 de sable
- Enduit monomasse : on peut aussi appliquer des dosages identiques pour les 3 couches ou se contenter de 2 couches (sans gobetis)
Attention : l'enduit doit être tendu sur la maçonnerie et venir mourir sur les pierres ou briquetages à montrer, sans effet de harpage ou de double encadrement. Le but est de conserver le relief propre de la façade, sans réinterpréter son architecture.
- l'ordre d'introduction dans le malaxeur, la bétonnière ou le bac à gâcher :
- dans la bétonnière : mélanger le sable et la chaux puis ajouter l'eau.
- à la main : faire un tas avec le sable, ajouter la chaux et mélanger avec la pelle. Faire un trou au centre du tas et ajouter l'eau progressivement jusqu'à la consistance souhaitée selon les couches.
- pour un enduit à base de chaux aérienne : préparer le mortier au moins 48h avant son utilisation. Plus gras et onctueux, il sera plus facile à appliquer. Il se conservera indéfiniment pourvu qu’il soit à l’abri de l’air.
4-3- les finitions :
A adapter au style de la région, à l'époque de la maison et au type de bâtiment. On distingue :
- l'enduit taloché : le plus fréquent. La couche de finition est serrée avec un platoir ou une taloche, une fois que le mortier a commencé sa prise. Tous les composants de l'enduit sont ainsi bien tassés ce qui donne une surface très lisse avec un aspect feutré. Cette finition protège bien la maçonnerie.
- l"enduit jeté et lissé à la truelle : cette technique plus ancienne est utilisée en règle générale sur les bâtiments modestes. La dernière couche de mortier est simplement jetée et serrée à la truelle. L'aspect final est plus grossier mais esthétique car les reliefs irréguliers de l'enduit donnent de la vie à la façade du bâtiment. Cette finition protège bien la maçonnerie.
- l'enduit épongé ou brossé : il est réalisé en passant une éponge ou une brosse sur l'enduit une fois que le mortier a commencé sa prise. Il fait ressortir les grains de sable et donne un aspect vieilli à l'enduit. Mais il affaiblit sa résistance et protège moins bien la maçonnerie
- l'enduit à pierres vues : dans les temps anciens cet enduit monocouche était réservé pour des raisons d'économie aux bâtiments utilitaires (granges, écuries) et aux murs pignons des habitations. Il ne peut être réalisé que sur des murs en pierre composés de moellons suffisamment saillants. On commence par dégarnir légèrement le contour des pierres (sans retirer le mortier qui assemble les moellons). Puis après avoir nettoyé et humidifié le mur, on fait pénétrer à la truelle l'enduit dans les joints en le laissant "mourir" (déborder légèrement) sur les pierres. Après quelques heures de séchage, l'enduit est froté à la brosse souple sans creuser ni lisser les joints en laissant apparaître les "têtes" de pierre. Cette finition protège moins bien la maçonnerie et n'assure aucune isolation. Bien que très à la mode, elle ne doit pas être appliquée à des murs prévus pour être enduits : soit l'effet est très inesthétique, soit la maçonnerie est laissée sans protection ce qui peut causer des désordres (en cas de pierres gélives notamment).
4-4- le ciment (ou mortier) romain :
- historique : Inventé par les Romains, pour augmenter l'hydraulicité de la chaux et donc la durcir et la rendre plus imperméable. Très utilisé pour étancher les citernes et en soubassements de maisons. Le ciment romain est un mélange de chaux et de fragments de terres cuites de construction (briques ou tuiles). Une variété citée par Vitruve comprend une partie de chaux aérienne, une partie de brique pilée et tamisée et deux parties de sable. dans un premier temps, La chaux, la métakaolinite (argile)des briques mal cuites réagissaient en formant un mortier très résistant grâce à une réaction pouzzolanique (CHS ou silicates de calcium hydratés). On peut aujourd’hui utiliser directement de la chaux hydraulique, du sable et de la brique pilée afin d’enduire les soubassements.
Exemple d’un dosage de ciment romain : 1 vol de chaux, 2 vol de sable, 1vol tuile pilée.
Exemple d’un dosage de béton romain pour combler de gros trous : 1 vol de chaux, 3 ou 4 vol de tuiles pilées en gros morceaux, 1 vol de sable gros. Bien tremper les tuiles dans l’eau avant la préparation.
5 - Les erreurs à éviter :
- support : ne pas humidifier, ne pas arroser après la pose
- excès d'eau, de liant, sables trop homogènes
- vieillir les enduits en les grattant
- enduits trop épais -> surépaisseurs
- appliquer l'enduit à la lance
- laisser les pierres apparentes : détruit la "peau" d'un mur - réduit l'isolation -
6 - Bibliographie :
- Thomas Schuler : la chimie des chaux hydrauliques naturelles, MPF, Délégation de la Moselle, mars 2011, ronéo
- Bertoncello J.F., Fouin J., Les matériaux naturels - décorer, restaurer et construire, Rodez, Ed. du Rouergue, 2006, 204 p.
- Carli F., Le petit guide illustré de la chaux, Paris, Les cahiers de Terres et couleurs, 48 p., 2006
- Ecole d'Avignon, Techniques et pratique de la chaux, Paris, Ed. Eyrolles, 1998, 211 p.
- Fillipetti H., Sébilo F., Savoir tout faire - Restaurer sa maison, Paris, La Maison Rustique, 2010, 300 p.
- Fouin J., La chaux naturelle - décorer, restaurer et construire, Rodez, Ed. du Rouergue, 2001, 143 p.
7 – Fournisseurs :
. Sables : les sablières et revendeurs de matériaux.
. Fabricants de chaux :
- Cesa Saint Astier
- Chaux Boem
- Sarl Labasse et fils
- B C B (Balthazar et Cotte Bâtiment)
- Lafarge, etc